mardi 13 janvier 2009

Questions africaines

Votre article sur le « discours de Dakar » du Président Sarkozy m’a tout à la fois intéressé et rendu fort perplexe. Venant d’horizons différents, un certain nombre de penseurs ont tenté d’éclaircir quelques points caractéristiques, et à mon sens essentiels, de l’ Afrique noire. Tout d’abord, pourquoi qualifier de « cliché » l’anhistoricisme de Hegel sur l’ Afrique ?.Par formation et par expérience, je serais plus enclin à faire confiance à l’auteur de « La phénoménologie de l’esprit » qu’à nos « intellectuels » contemporains. Mais là n’est pas l’essentiel. Quand on demandait à Michel Rocard pourquoi ce continent n’a vu naître que deux pays émergents ( Afrique du sud et Maurice ), il citait pelle mêle la colonisation, des frontières aberrantes héritées du passé, de graves carences en matière de système éducatif de base et d’infrastructures, les conséquences de la « fracture numérique » etc…Certes, ce sont là de très bonnes raisons, mais elles souffrent toutes à mon sens d’un dénominateur commun défavorable qui en limite singulièrement la portée, à savoir leur nature presqu’exclusivement projective ( c’est la faute aux autres ).

Dans « Le regain démocratique », Jean-François Revel avait posé un diagnostic plus pertinent, à savoir que l’absence de développement est due pour une bonne part à l’insondable profondeur de corruption des élites africaines (sans doute quelques centaines de milliards de FF constants 1960, selon les estimations les plus modestes, les ont fait prospérer depuis 60 ans, soit un large multiple du PIB du continent ). On sait déjà que le Président de la République Française dispose de pouvoirs discrétionnaires très étendus quant à la nomination de quelques centaines d’emplois-clés. Dans ce prolongement, le lecteur se reportera avec profit aux Constitutions malienne ou tchadienne ( la liste n’est bien sûr pas limitative ), qui se sont inspirées de notre modèle pour l’amplifier encore. S’est donc constituée au cours du temps, toute une chaîne politico-administrative qui irrigue le tissu social de haut en bas. Les Organisations internationales ne s’y sont pas trompées. Depuis plus de 20 ans, la Banque Mondiale comme la Banque Africaine de Développement, censées ne rien connaître des besoins « essentiels » des populations, essaient de financer des projets à Chef de file bien identifié ( filière sectorielle porteuse ), à des publics cibles ( clubs et associations de femmes ) et à des acteurs internationaux reconnus ( ONG, fédérations culturelles ou caritatives ). A l’inverse, l’ aide publique au développement ( APD ) bilatérale française continue, et on peut le regretter, d’être encore distribuée d’ État à État.

Par ailleurs, certains citent souvent la richesse du continent en matières premières minérales de base comme un vecteur potentiel de développement de taille. Là encore, il ne faut pas se méprendre et rester d’une grande prudence.. Un des enseignements majeurs de l’ Histoire force à constater que les pays disposant d’une rente sont paradoxalement ceux qui ne se sont pas développés ou que celle-ci a durablement et souvent considérablement retardé ( échec du mercantilisme : Espagne des XVI et XVII siècles avec l’or des empires aztèque, maya et inca ; pays du Golfe actuellement, à l’inverse du Royaume-Uni et des villes hanséatiques qui n’avaient au départ aucune dotation factorielle favorable ).

Changeons maintenant totalement d’optique. M. Helmut SCHOECK, grand anthropologue et sociologue allemand ( inconnu en France comme il se doit ), s’est servi dans un ouvrage majeur ( « L’envie » Une histoire du Mal ), d’un concept-clé de la psychologie anglo-saxonne. Pour lui, la psyché africaine se caractérise, entre autres, par une envie archaïque très forte. En termes imagés, cela peut être résumé par l’adage « Qui m’aide est mon ennemi », sur le mode de ces nourrissons qui désespèrent leur mère en refusant le sein, les soins et tournant le dos à la croissance psychique. Synthétisant la somme de ces réflexions, n’est-ce pas ce que disait déjà Lévi-Strauss dans « Tristes tropiques », distinguant entre civilisations « chaudes » ( ou les conditions internes comme externes à l’individu sont réunies pour l’accumulation et l’enrichissement par strates successives de toutes les sortes de savoir, qui débute pour le monde occidental dès la « révolution néolithique » et culmine dans la Grèce du Vème siècle ), et civilisations « froides », chez lesquelles rien est contenu. Ce qui est « admissible » par les « intellectuels » dépend-il de l’étiquette idéologiquement correcte des auteurs ?. Ou encore, ce qui est détestable et raciste chez GUAINO ( bien que quelques éléments de cette sorte soient effectivement présents ), serait forcément admirable chez Lévi Strauss ?. A coup sûr, il existe bien une « question africaine »,dans le sens ou l’entendait Marx sur la « question juive ».

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